Mon passeport, ma conscience ... 1805
J’avais été invitée à un événement scientifique en Tunisie. Une belle reconnaissance de mon travail, une occasion rare d’échanger avec des collègues maghrébins, et peut-être, je l’avoue, de prendre une petite bouffée d’air au bord de la Méditerranée. L’organisme d’accueil avait tout organisé avec une grande générosité et un professionnalisme exemplaire. Je n’avais qu’à préparer mon intervention. C’était simple. Trop simple, peut-être.
Mais à quelques jours du départ trois exactement une image, un geste officiel, est venu tout remettre en question : le président tunisien recevait, le chef du Polisario. Je l’ai vu, en direct. J’ai revu la scène en boucle. En quelques secondes, j’ai senti tous mes plans se vaporiser.
Ce n’était pas seulement l’événement scientifique qui prenait un coup. C’étaient aussi les visites que j’avais envisagées en parallèle, les plages que je rêvais de fouler, les plats typiques que je voulais enfin goûter sur place après les avoir tant imaginés tout cela s’effaçait, sans appel. Mon tourisme culinaire s’éteignait. Mon enthousiasme s'effondrait. Un seul réflexe me restait : mon Maroc d'abord. Mon Maroc en premier.
Je n’ai jamais été ministre, encore moins diplomate. Et pourtant, à ce moment-là, j’avais l’impression de porter le poids de la décision de Nasser Bourita lui-même. Comme si, à ma petite échelle, je représentais quelque chose. Quelqu’un. Mon pays. Mon peuple. Comme si, par ma présence ou mon absence, je devais dire quelque chose d’essentiel sur ce que je crois juste.
Ce n’est pas de la politique étrangère. Ce n’est pas un boycott. C’est une question de citoyenneté. Une citoyenneté entière, vécue non comme un privilège administratif, mais comme une responsabilité morale.
Je n’ai pas annulé mon voyage dans un geste théâtral. Je ne l’ai pas crié sur les toits. Mais je suis restée. Parce que parfois, dire non à quelque chose, c’est dire oui à soi-même.